dimanche 11 janvier 2015

7 janvier 2015 [article invité]

J'ai un ami, il me sert d'ancre dans l'actualité et la politique, que je ne suis absolument pas, ou très peu. Du coup, quand il m'a dit hier soir qu'il avait quelque chose à publier ici sur Charlie Hebdo, j'étais très très contente. Pour info, il avait déjà publié quelque chose ici lors des JO de Sotchi il y a environ un an (tu peux le retrouver ici). Bref, je vous laisse en compagnie de mon ami le "vénitien" (si tu veux un changement de pseudo, mon cher, fait le moi savoir).

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11 janvier 2015

            Je me sens mal. Depuis mercredi dernier. Stupeur et choc quand j’apprends, vers treize heures, l’attaque dont a été victime Charlie-Hebdo. Horreur quand, une heure plus tard, j’entends, à la radio que Charb et Cabu sont morts dans l’attaque. On apprendra plus tard les identités des autres : Wolinski, Tignous, Honoré, Bernard Maris, Elsa Cayat, Michel Renaud au sein de la rédaction, les deux gardiens de la paix : Franck et Ahmed ; un agent d’entretien de Charlie : Frédéric Boisseau. Douze morts. En plein Paris. La ville lumière s’est teintée de noir, ce mercredi, à onze heures et demi.
 
            L’émotion est palpable : comment décrire ce sentiment d’injustice, qui frappe ceux qui pourtant n’étaient pas les pires, au contraire ? Certes, ils ont caricaturé, certes ils se sont moqués, mais sans jamais être injustes. Leur cible : le fanatisme. Leur credo : la tolérance et le respect des croyances. Comment ne pas être sensible à la mort de ces dessinateurs souvent qualifiés par leurs proches de « grands enfants » ? Impossible. Ce mercredi soir, j’ai du mal à trouver le sommeil. Dès le lendemain, c’est la souffrance des proches qui m’assaillent. L’émotion du monde du journalisme est palpable, et elle se transmet à moi : je pense que je me rappèlerai toujours du témoignage de Patrick Pellous, qui aurait dû être en conférence de rédaction, ou encore de celui de Philippe Val, ex-directeur de Charlie Hebdo. Tous deux ont perdu « tous leurs amis ». La première raison du mal, c’est cette émotion, cette douleur, ce deuil. Même si je suis si loin d’eux, je souffre.

            C’est aussi une attaque contre nos libertés fondamentales. Et sans doute contre la première de toutes : la liberté d’expression. On peut ainsi aisément comprendre la peur qui paralyse notre raisonnement, et la colère qui s’ensuit. Difficile de peser le pour et le contre dans des moments où notre système de valeurs est frappé de plein fouet : ces gens qui se sont opposés, frontalement à nos libertés, sans aucune autorité légitime, semblent vouloir détruire ces libertés. Alors, notre réaction est une réaction de défense : à tout prix, il faut réagir. De là découlent la série de manifestations de solidarité qui ont eu lieu sur tout le territoire français. Le deuil national répond aussi à cette nécessité. Agressés, nous devons nous unir pour défendre nos valeurs.

            Néanmoins, un sentiment de colère m’emplit la suite de ces manifestations. Certaines tiennent, certes, une légitimité importante : les rassemblements silencieux, les chaînes humaines pour la liberté d’expression. D’autres manifestations, et en particulier sur les réseaux sociaux, me semblent une hypocrisie flagrante. Un exemple est évocateur : le statut de Charlie Hebdo il y a une semaine et aujourd’hui. Tirage : 60000 exemplaires, écoulement réel : 30000. Je reconnais moi-même ne jamais avoir lu Charlie Hebdo. En tant que tel, je ne revendique pas « être Charlie ». L’hebdomadaire était, il y a une semaine encore, en proie à d’importantes difficultés financières, et pas spécialement apprécié : aujourd’hui, il est quasiment sanctifié. Faut-il que des gens meurent pour qu’on fasse attention à un organe de presse ? La page Facebook de Charlie a vu sa fréquentation multipliée par 10 depuis mercredi. Je ne renie évidemment pas la qualité du journal : Charb et ses confrères jouissaient d’une liberté énorme, qui leur permettait de dire ce qu’ils voulaient. Ils n’étaient pas reconnu auparavant : morts, ce sont des héros. Qui a fait attention aux menaces dont était cible le journal depuis de longues années ? La protection de l’hebdomadaire n’aura pas permis, en tous cas, d’éviter la mise à exécution de ces menaces. L’hypocrisie, ici, c’est qu’il faut que douze personnes soient mortes pour que Charlie soit reconnu. Et, hors des réseaux sociaux, les manifestations : il me paraît totalement injustifiée que La Marseillaise soit chantée au sein de ces rassemblements. Pourquoi chanter un chant de guerre, car c’en est bien un, même s’il est qualifié de chant de liberté, dans des manifestations pacifiques ? Pourquoi chanter l’hymne national, dans des rassemblements qui sont pourtant ouverts à tous, qu’elles que soient leurs nationalités ? Les rassemblements pour Charlie devraient être sobres et silencieux. De cette manière nous exprimerions, pacifiquement, sans excès, notre soutien à la cause du journal et pour la liberté d’expression.

            La dernière chose à laquelle je voudrais rendre hommage, c’est la ténacité des survivants. A titre personnel, je ne pourrais pas reprendre la rédaction du journal deux jours après l’horrible événement. Ainsi, bravo à vous, messieurs et mesdames. C’est bien le meilleur hommage que vous puissiez faire aux disparus. Et surtout, notre acte : acheter ce numéro du 14 janvier, meilleur pied de nez aux criminels. Non, Charlie Hebdo n’est pas mort.  

3 commentaires:

  1. Pourquoi chanter une hymne de guerre quand on nous déclare la guerre ? Ben, voilà...

    C'est clair et net ; le terrorisme est une guerre. Pour beaucoup c'est une guerre mondiale. Mais là, depuis plusieurs mois déjà, les intégristes "islamiques" postent des messages injurieux envers la France remplis de menaces. J'ai peur que ce ne soit qu'un début d'une longue période de mouvement. Qu'est-ce que tu vas faire quand on menace de renverser ta vie quotidienne ? C'est même pas une guerre, c'est l'opposition de l'amour et de la haine. Aujourd'hui dans les rassemblements il y avait de tous les bords ; si la France s'unit, c'est pour faire front contre un ennemi. Sur les réseaux sociaux, on voit clairement toutes les idées qui peuvent traverser les citoyens : rétablir la peine de mort, avoir peur de l'islam, avoir peur des stéréotypes terroristes (barbe surtout)... C'est des dangers énormes : les états-unis avaient réagis en inventant la "Guerre préventive", mais que va-t-on faire en France...
    Le plus triste dans l'histoire, c'est que s'il ne faut que de la peur pour réveiller la haine, il faut énormément de courage pour garder son amour.

    Mais si on prends du recul, je trouve l'histoire réellement émouvante ; l'union de toutes ces personnes, cette même démarche pour défendre un concept qu'on a mit quand même un siècle et plus à établir : la république, la liberté d'expression... Et le meilleur c'est tous ces débats qu'on peut voir d'un seul coup balayer notre écran : toute cette expression qui, pour une fois, se dirige : voir la police qui se bat contre trois détraqués plutôt que contre le peuple, voir le peuple défendre la France et l'aimer...

    On dit souvent que les Français n'aiment pas la France mais c'est faux : ce que le mouvement Charly révèle, c'est un amour patriotique ; une volonté perfectionniste de tirer la France vers l'état qui est le plus juste. Et on continue de montrer l'exemple même à travers la riposte : on ne va pas tuer son voisin islamique : on défile dans les rues, on fait des chansons, on s'unit et finalement on se réveille, j'ai l'impression

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    1. Je suis tout à fait d'accord sur le fait que le terrorisme est une guerre. Il me semble que personne ne le nie, même s'il faut à tout prix éviter, désormais, de tomber dans les travers qui ont suivi les attaques du 11 septembre : éviter, donc, d'assimiler tout un pays au terrorisme, et partir en guerre contre un pays au nom de la guerre contre le terroisme. Je suis d'accord aussi pour dire qu'hier, c'était émouvant. Et bien sûr, la mort des journalistes de Charlie Hebdo m'a beaucoup attristé et ému : il s'agit déjà de la mort d'êtres humains, mais en plus, des êtres qui jamais n'avaient stigmatisé les individus selon leur religion. Pas xénophobes ni racistes, juste en lutte contre le fanatisme.
      Par contre, je ne comprends absolument pas comment on peut unir cette colère à un amour patriotique. Concernant La Marseillaise, je l'ai déjà dit : défiler en silence marquera d'une part, un effort de décence concernant les victimes, et d'autre part, une colère sourde et silencieuse. Je trouve cela très impressionnant : que la foule soit capable de se contenir, de se taire, pour montrer, qu'elle ne réagit pas à un agression en prenant une arme ou en exaltant la guerre. De même, je ne comprends pas pourquoi certains se disent "fiers d'être français" à ces marches. Fiers de quoi ? Que les forces de l'ordre aient abattu trois terroristes (ce qui était, malheureusement, nécessaire, même s'il s'agit de vies humaines) ? Que 4 millions de français défilent pour la liberté d'expression ? Je ne vois pas où est la fierté dans ce rassemblement, qui est tout simplement, la défense d'une liberté qui n'est pas vraiment la réalité en France : on parle actuellement, c'est bien normal, de l'attaque contre Charlie, mais il faudrait aussi se mobiliser contre la convergence groupes industriels-médias qui empêche aux médias d'être totalement libres. La France n'est pas le plus mauvais élève, mais beaucoup de choses restent à faire. Alors, c'est aussi une voie pour tirer la France vers l'Etat le plus juste. Parce que maintenant, le chemin est encore long. Qu'est-ce que l'Etat le plus juste ? Celui qui va faire de la France une prison, où l'on reproduira le Patriot Act de 2001, pour protéger les citoyens mais aussi pour les surveiller, conséquence logique, davantage ? Souvenons-nous des Lois scélérates, à la fin du XIXe siècle. Contexte de violence anarchiste, attentats à répétition (à la Chambre des Députés, assassinat du président Carnot par un anarchiste - italien - en 1894). Ces lois avaient l'objectif initial de sécuriser la France, cependant, rapidement, elles dérivent vers une surveillance accrue des "contre-pouvoirs" : les syndicats et les minorités socialistes, pourtant très républicaines. C'est à cela que nous devons prendre garde, comme à ne pas faire d'amalgame. Ce matin, c'est Nicolas Sarkozy, qui déclarait "la question de l'islam et de l'immigration sont clairement posées". C'est-à-dire ? Il faudrait interdire l'immigration, et interdire l'Islam ? Il ne l'a pas dit, mais il semble clairement le sous-entendre dans cette phrase. A mon avis, c'est cela que nous devons éviter. L'Etat le plus juste doit permettre que chacun puisse prier en paix, et que ceux qui veulent venir en France, parce qu'ils aiment la France, puissent le faire! L'Etat le plus juste devrait permettre à tous de trouver du travail, ne pas effectuer de ségrégation à l'emploi, ne plus être raciste sous quelque forme que ce soit, en bref, intégrer tous ses citoyens à la communauté.
      Moi, j'aime la France, mais je l'aime encore mieux quand elle est juste. Et aujourd'hui, "le jour d'après", nous devons faire attention à surtout, ne pas faire une guerre qui priverait encore plus les français de leurs libertés.

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  2. Très bon article, très bon analyse je trouve :) (même si je ne vois pas les choses pareil)

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