Tout à l'heure, j'ai revu une amie. Enfin, je dis ça, on pourrait croire que je l'ai vu il y a longtemps, mais en fait, c'est faux, je la vois souvent.
Et au début de l'été, je la voyais encore plus. Je me souviens de la semaine de révisions du bac. Je passais presque tous mes après-midi avec elle. On en pouvait plus, de ce bac qui n'avait pas commencé. Du coup on disjonctait.
La dinguerie, qu'on appelait ça.
On riait fort. On criait. On courait. Et on riait encore.
On opposait à notre tristesse et notre sentiment d'oppression une euphorie incroyable.
C'était bien, tu sais.
Notre truc, c'était de faire du roller dans la ville aux moments où il n'y a personnes. Et de marcher la nuit. Beaucoup. Le syndrome des semelles de vent.
Une fois on est allée se baigner habillées dans une rivière. C'était la pleine lune. On s'était dit qu'on y retournerait avant la fin de l'été.
On n'y retournera pas, on le sait toutes les deux.
C'est terminé, ce temps de la dinguerie.
Perdu pour toujours.
C'était le meilleur été de ma vie.
On s'était dit, à la fin du bac, on va manger une pizza, pour fêter la liberté. On a fêté la liberté, longtemps, longtemps.
Cette fameuse pizza du bac, on l'a mangée sur un banc il y a quelques jours. Et puis on est rentrée, tranquille, chacune chez soi.
J'ai pas pu m'empêcher de penser qu'avant on aurait arpenté la ville à pied toute la nuit, qu'on aurait explosé de joie à l'idée d'être libres, qu'on serait allées faire du roller et peut-être même qu'on aurait fait un tour au Claire de Lune.
Tout à l'heure, elle m'a dit "tu sors cet aprem ?". J'étais épuisée, mais j'ai dit oui. Elle a dit "Mrs Dalloway ?" j'ai approuvé. Mrs Dalloway, c'est l'endroit auquel on se retrouvait tout le temps. On l'a baptisé comme ça parce qu'à l'époque je lisais ce bouquin en permanence. On s'est vu. On s'est dit : "c'est terminé, la dinguerie, pour nous. On a fini de vouloir refaire le monde. On est calme.".
J'ai eu envie de dire que j'avais pas envie de l'être.
Mais j'ai rien dit. Parce qu'elle avait raison.
C'est là ce que nous avons eu de meilleur.
Et bientôt, la fac.
Pourquoi terminer tout ça ?
RépondreSupprimerParce qu'il est temps de vivre d'autres choses. Et que ça sert à rien de s'acharner à recréer le passé.
Supprimer(je me sens pleine de sagesse, là ^^)
Je n'aime pas les fins.
RépondreSupprimerMoi non plus, tu sais. Mais j'aime encore moins lutter pour préserver quelque chose qui doit s'en aller.
SupprimerMais tu as raison. ^^
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