Tu vois, quand j'étais petite, ma mère nous emmenait tout le temps à la bibliothèque. C'était cool, y'avait des livres partout, je m'asseyais par terre (ouais j'suis une rebelle des fauteuils) et je pouvais lire pendant des heures. Les bibliothécaires me prêtaient des livres de la réserve ou me mettaient prioritaire sur les prochains tomes de mes séries (d'ailleurs il y en a que je devrais finir).
C'était un peu ma maison, tu vois, j'y allais pour écrire, je m'asseyais sur une table et je fixais les gens puis j'écrivais (même que j'ai alimenté un skyblog avec ces textes, fut un temps), j'y allais pour lire, j'y allais même quand j'avais rien à y faire, l'été je venais de l'ouverture à la fermeture.
ça a un peu été mon refuge, et puis, les années passant, j'y allais plus. C'était loin, j'avais pas le temps, je rendais les livres en retard, et puis fallait que je vois des amis. J'ai commencé à acheter mes livres. C'est cool aussi, les librairies, des tas de livres partout, et puis la vendeuse aux cheveux gris fer qui a l'air perdu dans son monde en permanence m'aime bien. Et puis la librairie aussi, j'ai arrêté. Trop de livres qui s'entassent, les amis, les parents, les devoirs, les cours, le blog, le mal aux yeux...
Et aujourd'hui j'ai remis les pieds dans ma bibliothèque. J'avais rien à y faire, fallait juste que je fasse le tour de la ville pour prêter des livres pour l'oral de français, il pleuvait, ma sœur n'arrivait pas, alors bon, je suis rentrée.
Et aussitôt une impression bizarre s'est collée à ma peau. J'ai parcouru les rayonnages. Des livres, des livres. Des mots jetés par passion sur des pages, puis dactylographiés reliés imprimés publiés vendus achetés, rendus à ça : l'attente. Il y a peut-être des ouvrages magnifiques posés sur un rayonnage de bibliothèque, mais pas de bol, à côté d'un roman transcendant écrit par le brillantissime Marc Lévy (sent l'ironie dans ce passage), alors ils prendront la poussière, jusqu'à ce que poussière ils deviennent.
Ces livres là auraient mérités d'être lus. J'ai regardé les étagères, et un espèce de sanglot a tenté de me traverser. ça me travaille depuis quelques jours/semaines/mois/années (cochez la case qui vous convient) : quelle importance ça a, ce qu'on peut faire de notre vie ? Il y avait peut-être sous ma main qui caressait les reliures le rêve de toute une vie, et moi j'allais juste passer devant sans m'arrêter.
Y aura-t-il quelqu'un pour s'arrêter devant ma vie à moi ? Narcissique, égocentrique, oui je sais, ça semble être ça. Mais mon but dans la vie c'est de faire un peu de bien dans ce monde (j'ose pas vous dire changer le monde, ça me semble ridicule, mais il me paraît évident que la vie est à réinventer)(donc tu vois, j'ose pas, mais je le dis quand même, j'suis un peu concon), est-ce que quelqu'un en aura quelque chose à foutre ou est-ce que ça n'aura vraiment pas d'importance ?
Et est-ce que quelque chose à de l'importance ou est-ce qu'on s'escrime tous dans le vide ?