mardi 5 août 2014

[littérature] Lorenzaccio !

Il m'est apparu deux choses, c'est que, premièrement, je suis dévorée par le démon de la littérature, et j'en ai jamais parlé ici (le premier qui me dit que ça fait deux, je l'emplafonne). Deuxièmement, c'est que j'ai dû lire une dizaine de fois si ce n'est plus Lorenzaccio de Musset au cours de l'année scolaire (et j'ai eu 10 au bac de littérature dont le sujet portait sur ce bouquin. Bah, ça va, c'est pas comme si je continuais dans cette voie l'an prochain...(tuez-moi)). Que j'ai dû faire une vingtaine de brouillon d'article sur ce bouquin.
Et que bref, c'est de ça dont je vais vous parler aujourd'hui (il va y a avoir du gros gros gros spoil)(très gros)(lisez-le quand même, c'est de la bombe).

Donc, petit topo : Alfred de Musset, auteur romantique, XIXème siècle, amant de George Sand (elle-même assez connue en tant qu'écrivain). Un jour, cette chère George offre à son amant une scène qu'elle a écrite, Conspiration en 1537, elle-même inspirée des chroniques florentines de Varchi (un historien italien, il me semble). Musset s'en empare et écrit un drame romantique (je vais pas vous expliquer les codes du drame romantique mais en gros, rejet des règles du théâtre classique (de toute façon romantisme=rejet du classicisme) et inspiration du théâtre élisabéthain et notamment de Shakespeare (de toute façon théâtre élisabéthain=Shakespeare)) : Lorenzaccio. Qu'il publie dans le recueil Un spectacle dans un fauteuil, ce qui signifie qu'à la base la pièce n'était pas faite pour être mise en scène mais pour être lue.
D'ailleurs, petite parenthèse, vous voulez savoir pourquoi Musset écrivait du théâtre sans vouloir le faire jouer ? Parce que Musset a toujours été un petit génie, il avait beaucoup de facilités, et tout lui réussissait. Et puis il a fait une pièce (pas retenu le nom) qui a été un fiasco. Et il a été tellement mortifié en voyant que sa pièce était un échec, qu'il a plus jamais voulu faire jouer ses pièces devant qui que ce soit. Pas très courageux, le Musset. 
Bref, venons en à Lorenzaccio. Il y a deux points qu'il me semble essentiel d'aborder dans cette pièce, et trois personnages, et tout va se recouper et ça va être un joyeux bordel (et y'a que Remucer qui aura le courage de me lire jusqu'au bout (sauf s'il craint le spoil)).

Le premier point, c'est la politique.
Parce que cette pièce se déroule à Florence, dans l'Italie de 1537, sous le règne des Médicis et sous l'empire de Charles Quint. On voit, tout au long de l'intrigue, la tyrannie que le duc Alexandre de Médicis fait subir à son peuple, on voit le peuple qui s'énerve contre cette tyrannie, on voit les républicains parler de révolution, puis on voit que ni le peuple ni les républicains n'arrivent à vaincre cette tyrannie.
Pour t'expliquer un peu le sens que ça a, Musset écrit cette pièce vers 1830. Qu'est-ce qu'il se passe à ce moment là, en 1830 ? Je vous le donne en mille : l'échec de la révolution française, la mise en place de la monarchie de juillet. Dans la pièce, Alexandre, le tyran, meurt assassiné : on se dit : "chouette, les républicains vont pouvoir faire la révolution et le peuple de Florence cessera d'être opprimé !". Mais que nenni, mes amis. En fait, Alexandre il meurt, et il y a un autre tyran qui sort de l'ombre pour le remplacer (enfin, en fait c'est plus compliqué que ça). La révolution, dont les républicains ont tant parlé et qui a été tant attendue, n'a pas lieu, le peuple, qui se répand en injure face à cette Florence défigurée par Alexandre, essaye tant bien que mal de réagir (enfin c'est surtout la jeunesse qui réagit dans la pièce, il me semble que ça renvoie à des révoltes étudiantes qui avaient eu lieu à l'époque de Musset) mais il se fait éclater la gueule par les forces de l'ordre, bref.
On ne peut rien contre les tyrans, semble nous dire Musset. Eux n'ont rien pu contre leur tyran en 1537, nous, français de 1830, nous ne pouvons rien non plus, malgré les 3 siècles qui ont passé entre les deux. (ça me fait terriblement penser au "on ne peut rien" de Fosca dans Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir)(mais bref, on en parlera peut-être plus tard, de celui-là).

Passons maintenant au deuxième point : le masque.
L'un des grands thèmes de l'oeuvre, c'est l'opposition vertu/vice (qu'on retrouve dans deux des personnages dont je vais vous parler). Pour mieux vous en parler, je vais prendre une citation de Lorenzo : "l'Humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d'elle, sa monstrueuse nudité.".
En clair : les hommes portent tous le vice en eux. On le voit pas mal avec la vision que donne Musset du clergé (enfin bon, je rappelle qu'à l'époque de la révolution française (avec l'influence des philosophes des Lumières) le clergé était mal vu (Dieu, encore, ça allait (cf le déisme), mais les institutions autour, no way)) : on a des hommes qui, sous couvert d'être des hommes d'Eglise, se permettent d'intriguer pour obtenir le pouvoir, car comme le dit dans la pièce le cardinal Cibo, "rien n'est un pêché quand on obéit à un prêtre de l'Eglise romaine". Et ni rien ni personne ne va les condamner parce qu'ils ont l'apparence de la vertu, et cette apparence suffit à les rendre respectables. Lorenzo, qui n'a pas cette apparence de vertu, et qui se comporte en lâche et en débauché, est appelé Lorenzaccio (le préfixe "-accio" indique une connotation négative) et se cracher dessus (au sens figuré) par des gens qui ne valent pas mieux que lui mais qui se contentent de cacher leur perversion sous des dehors de vertu ("Il n'est pas de vice si frustre qui ne présente quelque dehors de vertu à l'extérieur", Le Marchand de Venise, Shakespeare.).
Et on se rend compte que parmi cette foule d'hommes de pouvoir, aucun n'est au-dessus des autres : ils sont tous aussi mauvais les uns que les autres, pas un n'est un modèle, pas un ne veut le bien du peuple, tous recherchent le pouvoir pour leur propre satisfaction.

Ces deux points abordés, il y a trois personnages dont j'aimerai vous parler.
Je vais commencer par la "moins intéressante", si j'ose dire : la marquise Cibo.
C'est l'une de mes préférées.
La marquise Cibo, elle est pétrie d'idéaux républicains. Elle aime passionnément sa patrie (Florence, donc). Forcément, elle voudrait faire changer les choses, forcément, elle voudrait voir la république, elle voudrait voir le peuple heureux, et Florence libérée de l'influence des allemands et du Pape. Mais, c'est une femme (c'est douloureux à dire pour mon féminisme), donc peu de pouvoir (de toute façon personne a de pouvoir, la tyrannie reste en place, j'vous rappelle). Alors elle va user du seul qu'elle a : sa beauté. Et le fait qu'elle ait séduit le duc (enfin ça c'était pas dur, c'est un chaud du cul, Alexandre de Médicis).
Donc, armée du fait qu'Alexandre ait décidé de la mettre dans son lit, elle va 1) coucher avec lui 2) essayer de convertir le tyran en dirigeant exemplaire au fil de conversations sur l'oreiller.
Faut pas croire, ça lui coûte beaucoup, à la marquise. Elle doit faire le choix entre ses idéaux, elle doit sacrifier sa vertu, son honneur de femme à un homme qui s'envoie en l'air à tout bout de champs et pour qui elle n'est qu'une source de divertissement supplémentaire. Elle choisi de faire le bien de sa patrie, tant pis si pour ça elle doit perdre son honneur, mettre en péril le lien qu'elle a avec son mari (c'est pas détaillé dans la pièce mais je pense qu'elle l'aime énormément) et coucher avec l'homme qui est la cause du malheur de Florence qu'elle aime tant.
Pauvre Ricciarda Cibo.

Et maintenant, je vais vous parler de Philippe Strozzi. Dans la pièce, c'est le chef des républicains, l'Honnête Homme par excellence, un vieillard qui a passé sa vie à penser au bien des hommes (en vrai, c'était pas trop trop ça, mais Musset avait besoin d'un Philippe honnête et droit). Un idéaliste qui s'est maintenant dans son idéal tout au long de sa vie, qui a vécu dans ses livres, à chercher des solutions pour rendre les hommes heureux sans jamais agir. Philippe, il aime Lorenzo, et il lui fait confiance, malgré tout, malgré son nom couvert de boue ("je me suis fait aveugle pour t'aimer"), il ouvre sa porte aux bannis et aux pauvres gens. Et pourtant..."On croit Philippe Strozzi un honnête homme, parce qu'il fait le bien, sans empêcher le mal" (note : je retrouve les citations de mémoire, il est possible que je me plante sur les virgules ou sur un petit mot, pardonnez-moi). Cette phrase résume à peu de chose près un des dilemmes qui m'animent : c'est une bonne chose, de ne pas agir de façon à encourager le mal, mais est-ce suffisant ? (on pourrait me répondre : "agir pour le bien, c'est d'une certaine façon agir contre le mal". Mais je suis pas exactement d'accord avec cette vision). A en voir Philippe qui ne fait que tenir de beaux discours, on peut en douter. On peut même douter de l'utilité du penseur qui reste en marge.
Oui, j'ai beaucoup douté de moi après avoir lu Lorenzaccio.

"Et me voilà, moi, Lorenzaccio !". Ce dernier paragraphe sera donc sur mon personnage favori, que j'aime, j'aime, j'aime. De tout le théâtre ça doit être mon préféré (décidément, j'aurais jamais envie de jouer un rôle féminin). Accessoirement c'est le héros de la pièce.
Lorenzo, donc. Que j'ai découvert en cours de litté, alors qu'on regardait une pièce qui ne m'emballait pas plus que ça (oui, Lorenzaccio ça m'emballait pas plus que ça au début. Honte sur moi (en même temps, je détestait ma prof, donc bon...)), à travers l'interprétation de Francis Huster.
J'ai cru mourir quand je l'ai vu jouer la scène 3 de l'acte III (je donnerai n'importe quoi pour la jouer un jour). C'était beaucoup trop beau. J'avais l'impression que Lorenzo exprimait tant de choses qui étaient en moi à ce moment là.
Loenzo, il était pur, il était jeune, il était beau. Il se préoccupait du bien de ses semblables, il étudiait les sciences et les arts, il avait rien demandé à personne, il voulait juste faire le bien.
Et un beau jour, il s'est dit qu'il allait tuer un des tyrans de la patrie. Comme ça, d'un coup. Il s'est dit qu'il allait commencer par le Pape, mais on l'a bannit avant.
Alors il est arrivé à Florence, lieu de débauche, de meurtre, et tout et tout, pour tuer son cousin Alexandre qui régnait alors sur la ville. Mais il s'est dit qu'il allait se la jouer subtil, plus qu'avec le pape. Il est devenu "ami" avec son cousin. Il l'a accompagné dans ses orgies, il buvait avec lui, il couchait avec des filles, bref, il s'est mis à jouer au débauché pour gagner. Et il s'est rendu compte que la majeur partie des gens étaient des débauchés. Alors il a été dégoûté de l'humanité.
Mais il tuera quand même le duc. Parce qu'il est dégoûté de l'humanité et qu'il se fout complètement du sors de ses semblables (enfin, il aime encore sa mère, sa tante, et Philippe Strozzi, mais en gros, c'est tout), mais qu'il ne peut plus revenir à sa pureté d'avant. ("oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, j'épargnerai peut-être ce conducteur de bœufs. Mais j'aime le vin, le jeu, et les femmes, comprends-tu cela ?").
Ce personnage incarne la désillusion. Lorenzo, c'est un idéal brisé qui marche au milieu des hommes, qui se sent totalement étranger à eux, qui leur est pourtant si semblable, et qui se méprise pour cela.

Bref, Lorenzaccio se place dans ma liste de livre à lire une fois dans votre vie.

(cet article ne doit plus ressembler à rien)(bravo si quelqu'un a eu le courage de le lire)(j'offre un cookie à celui ou celle qui a le courage de commenter)

4 commentaires:

  1. Quand je l'ai lu, Lorenzaccio m'a rappelé Hamlet. Du coup, quand tu dis que Musset s'est inspiré de Shakespeare, je ne peux que t'approuver chère amie.

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    1. En effet, on retrouve pas mal de points communs avec Hamlet, bien vu x)
      (promis, je t'offre des cookies la prochaine fois que je te vois)

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  2. Salut !!

    Je ne connais pas du tout, je ne suis pas très pièce de théâtre. je me suis arrêtée au Cid, j'ai été si émerveillée de cette pièce que je ne lis qu'elle depuis.... ma 3ème. J'ai 25 ans maintenant, j'te laisse calculer :p

    Mais pourquoi pas, c'est tentant ^^

    Sinon, mes cookies, je les aime au chocolat avec des pépites de chocolat et du caramel liquide dessus, merci ! :)

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    1. Niveau pièce de théâtre qui envoie, effectivement le Cid c'est pas mal ^^ et dit donc, ça a dû beaucoup de marquer ^^

      Zut, je suis nulle en caramel (enfin soit il brûle, soit c'est moi qui me brûle avec)...

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