mardi 3 mars 2015

Intello

Comme ça vous êtes prévenus direct du ton de cet article.


"J'ai une question : pourquoi vous avez dit que ce photographe n'était pas un intellectuel ?
-Parce que...Enfin...Je voulais pas qu'on le prenne du côté négatif."

Intellectuel c'est devenu mal.

Intello.
Intello qu'on te crache quand tu as de trop bonnes notes.
Quand tu préfères lire à tout autre activités sur terre.
Quand tu aimes tes profs parce qu'ils t'apprennent des choses.
Intello.
Intello.

Oui j'étais première de la classe des fois et ça me demandait pas d'efforts. Non j'ai jamais eu à travailler à l'école. Oui j'ai eu mon bac mention bien en révisant pendant deux heures en tout.
Oui j'aime lire, oui en général les profs m'aiment bien, oui je suis une intello.
En vrai l'école je lui crachais dessus autant que toi tu crachais sur elle et sur moi.
L'intello elle se sentait pas à sa place à l'école.
Elle était un peu trop intello pour l'école qui te normalise.
Des fois même elle avait des mauvaises notes juste pour se rebeller, juste pour dire "je suis pas une intello, c'est pas vrai, regarde, je te ressemble, me fait pas de mal".
On lui a quand même tapé dessus.

Mais ça va, c'est fini, je suis plus la gamine qui aimait lire plus que tout et qui un beau matin s'est retrouvée première de la classe, comme si elle avait besoin de ça pour s'intégrer. Maintenant je suis à la fac, avec un peu d'intellos de mon genre.

Maintenant j'ai l'impression que c'est la société qui me rabâche ce son de cloche.
Quoi, tu fais pas des études professionnalisantes ?
Han mais tu veux faire huit ans d'études ?
Enseignant-chercheur en littérature ? Et ça sert à quoi en vrai ?

Intello, intello, intello.

C'est quoi le problème avec les intellectuels ?
Est-ce que c'est grave d'avoir des gens qui réfléchissent ? Qui s'opposent à la pensée commune et facile ? Qui cherchent à s'élever avec leur cerveau ?
On en aurait pas un peu besoin, par hasard ?

La société elle irait pas un peu mieux si on popularisait les intellos plutôt que les débiles de télé-réalité ? Si on arrêtait de penser qu'être intellectuel c'est un truc de bourge élitiste ? Qu'avoir un esprit critique et le revendiquer c'est être snob, bobo, élitiste que sais-je encore ?

Oui je suis agressive parce que j'ai trop été agressée et j'arrive pas à réagir calmement.
L'intello elle sature.
J'ai l'impression que la norme dans cette société c'est d'être con et ça m'insupporte.
J'ai pas envie de me changer pour correspondre à la norme.
J'ai pas envie d'arrêter d'être une intello.
J'aime être une intello. C'est l'étiquette qu'on m'a collé bien contre mon gré, que j'ai voulu arracher un bon nombre de fois, maintenant je la porte, avec peut-être un peu trop de fierté mais on se construit comme on peut.
Je suis une intello.
Les intellos c'est ceux qui défendaient Dreyfus, ceux qui défendent la justice et la liberté, ceux qui travaillent pour le bien des autres.
Ceux-là, oui.
Mais c'est mal d'être un intellectuel, hein.

J'aimerais comprendre.

C'est quoi ton problème avec l'intello ?
Tu te sens nul à côté ? T'as peur qu'il se foute de ta gueule ? Tu complexes parce qu'il réussit dans un domaine que tu ne maîtrises pas ? Il est différent alors ça te fait peur ?
Et du coup tu l'insultes ? Tu l'humilies ? Tu le rabaisses ? Tu le stigmatises ?
T'es conscient que quand tu traites quelqu'un d'intello tu te traites de con ? En plus d'être inutilement violent et de faire souffrir quelqu'un qui ne t'as rien fait ?

Dire qu'avec un peu d'ouverture d'esprit et d'acceptation de la différence tout irait mieux.
Mais nan, nan.
C'est trop un truc d'intello.


12 commentaires:

  1. Je me reconnais tellement dans tes propos ! J'ai vécu la même chose avant la fac. Là j'ai la chance de terminer mon agrégation avec des gens qui sont globalement "comme moi" : intéressés par tout ce qui touche à la culture, qui ont envie d'apprendre des choses, que tout intéresse.
    J'expliquais récemment à une voisine que si on avait moins d'élèves en latin, c'est parce que ça faisait trop "intello-élitiste" et que la tendance de la société, c'est l'aller contre ça. Moins tu en fais, mieux tu es considéré. C'est dommage et ça m'attriste énormément ! Voir des élèves brillants se rabaisser et se taire en classe pour que les petits cons populaires ne se moquent pas, ça me donne un tel sentiment de rage ! J'ai envie de leur crier "mais regardez, lui, ça l'intéresse, lui il a des choses intéressantes à partager ! Alors arrêter de le casser parce que lui, il ira quelque part...au moins dans la formation de son esprit critique et de sa culture"

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    1. C'est intéressant d'avoir un bout de témoignage de l'envers du décor, de voir ce qu'un enseignant peu ressentir face à cet "intello-bashing"

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  2. " J'ai l'impression que la norme dans cette société c'est d'être con et ça m'insupporte." Effectivement. C'est dur à accepter, mais tout porte à le croire.
    Bon sinon... Très juste, tout cet article :) Et merci d'avoir adopté le ton de la colère qui fait parfois du bien.

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    1. Mais c'est trop déprimant comme constat...
      Merci =) j'avais un doute quand au ton de la colère ^^'

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  3. Hello, c'est mon premier passage sur ta page et je tiens à partager ce que je ressens face à ce post.
    Moi aussi j'ai connu ça, les brimades parce que oui, j'étais "l'intello". J'ai été dans la classe de ma mère pendant trois années de ma scolarité de primaire et en arrivant au collège, tout m'est retombé dessus. Comme si ça ne suffisait pas. Toutes ses brimades ça me donnait l'impression que je devais avoir honte de toutes les bonnes notes et de mon comportement.
    De l'autre côté du bureau, tu te rends compte de ça, dès l'école primaire. Les élèves ayant plus de facultés se retrouvent souvent bien seuls...
    Mais je pense que ce comportement n'est malheureusement pas valable que pour cette catégorie de personnes. Si tu analyses la situation, tu remarqueras que toutes les personnes qui ne rentrent pas dans le "moule" de la société sont au final des intrus. Le conformisme en soi. Je pense au look en soi et bien d'autres éléments.
    Maintenant je suis passée bien au dessus de tout ça et globalement je pense que ce "fossé" à tendance à s'estomper au fil du temps.

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    1. Oui, c'est valable pour toutes les différences, bien sûr.
      Je sais pas si ça s'estompe vraiment, disons qu'on se créé un milieu qui nous correspond, du coup on le remarque moins

      Merci pour ton passage =)

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  4. Je pense que ça dépend aussi de la façon dont on le présente. J'ai toujours eu l'étiquette d'intello aussi, mais je l'ai toujours plutôt bien vécu, parce que ça ne m'a jamais empêché d'avoir des ami-e-s et que j'ai eu assez peu de moqueries vraiment hargneuses au final. J'ai peut-être eu de la chance, mais je pense aussi que ça vient du fait que j'aie essayé de ne pas trop faire la maline avec mes notes auprès de ceux qui galéraient, de toujours aider ceux qui demandaient un coup de main (même les branleurs qui ne faisaient jamais leurs devoirs) etc. Il faut aussi savoir se mettre à leur place, c'est dur de voir quelqu'un réussir sans effort quelque chose qui est opaque pour toi. Je ne dis pas que le bullying est une solution évidemment, mais qu'il y a peut-être un pas à faire des deux côtés aussi.

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    1. Perso j'ai jamais non plus "fait la maligne", j'étais plutôt du genre monstrueusement timide et discrète. Mais je pense que oui, ce n'est pas facile de voir des autres réussir mieux et facilement, simplement ça ne serait jamais une bonne excuse pour détruire ces personnes.

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    2. On est d'accord sur ça :)

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  5. J'ai connu le même problème, et je le connais encore.
    Récemment, en entretien d'embauche, le mec m'a sorti que j'avais l'air "trop intellectuelle pour le poste". Sympa.

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  6. "Il est différent alors ça te fait peur ?" Oui oui, comme pour tout, c'est juste ça la source du problème. Et comme c'est dans notre nature animale de réagir à la peur par de la violence, si on n'est pas en possession de deux neurones connectés, on est violent. Pourtant, c'est quand même utile un cerveau, la preuve, presque tout le monde aujourd'hui en a un. Le problème c'est que sans cerveau, la connerie résonne dans tout ce vide crânien, alors on l'entend mieux. C'est dommage.

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