jeudi 19 mai 2016

Harcèlement de rue : j'ai le droit d'être parano

Assez souvent je lis de bons articles féministes. Et assez souvent je m'inflige la lecture des commentaires (je fais ça aussi avec les commentaires VDM) (et les sites pro-FN) (j'ai perdu tant de temps de ma vie, vous n'avez pas idée).
Donc là, article sur le harcèlement (que je ne retrouve plus, désolée), lecture des commentaires (pourquoi), et deux tendances ressortent :

- Oui mais moi je suis un homme et je suis gentil et alors si je fais un compliment à une femme je vais pas la violer hé ho on se calme hein faut arrêter d'être parano les féministes vous faites que décourager les hommes bien.
- Oui mais moi je suis une femme et si on m'embête dans la rue et bah je me défends je ne suis pas une petite chose fragile et les cours de self défense ça existe halàlà ces féministes qui sortent des clichés sur la femme-proie.

Bon.
Tout d'abord.
Par harcèlement de rue j'entends "chieur ou chieuse qui te parle dans la rue et te fait te sentir en insécurité physique et mentale" (c'est ma définition, je ne connais pas l'officielle).
Maintenant que ce point est clair, let's get down to business, comme dirait l'autre (si tu captes la référence je t'offre un cookie).

Ce qui me dérange dans ces deux raisonnements, c'est l'absence d'empathie avec ceux qui n'arrivent pas à "arrêter d'être parano" ou même à se défendre. C'est très, très difficile d'arrêter d'être parano quand on t'aborde dans la rue tous les jours. Il suffit qu'une fois ça se passe mal, qu'une fois on dépasse ta limite (qui est différente pour tout le monde) et ça y est, tu deviens parano, et c'est un chemin extrêmement dur à refaire dans l'autre sens.
Parce que le trauma se réactive à chaque fois que quelqu'un va t'aborder, te crier à travers la rue que "hé t'es bonne", que "hé mademoiselle t'as un 06 ? Et vas y pourquoi tu réponds pas ? Pff t'façon t'es moche. Hé pute ! Je te parle ! T'es moche !". Alors oui, à force ça rend parano.

Au départ j'essayais de ne pas l'être. De ne pas forcément réagir de manière agressive quand un inconnu commençait à me parler dans la rue. Mais je m'en suis pris tellement plein la tête, j'ai eu tellement de remarques, sur mes cheveux, sur mon style, tellement de drague de rue de la part de gros lourds, des attouchements parfois, que je ne peux pas ne pas mal réagir dès que simplement on me parle. Si je me rends compte que les intentions ne sont pas de me faire du mal (spoiler alert : me dire qu'avec ma couleur de cheveux c'est une honte que mes profs m'acceptent en cours, ça compte dans me faire du mal) évidemment je me calme et je réponds à ce qu'on me demande (je SOURIS même)(il paraît que les français ne font jamais ça).

Et parlons de la défense maintenant. Oui, on peut se défendre facilement contre une agression physique même si on est petite (comme moi), avec moins de force que son agresseur (si on part d'un ratio homme/femme standard), il suffit de prendre des cours d'autodéfense. Mais c'est pas si facile parce que l'agression n'est pas forcément physique. Parce que l'agression elle est verbale et elle t'atteint dans ta tête et qu'est-ce que tu veux faire contre ça. La fois où je suis rentrée et où je me suis mise à pleurer parce que j'en avais marre des remarques constantes et des jugements, qu'est-ce que j'aurais pu faire ? Envoyer un coup de poing dans la tronche du vieux qui a décrété que c'était une honte que des gens comme moi soient accepté en cours ? Oui j'aurais pu avoir de la répartie mais j'étais paralysée, j'aurais pu essayer de lui parler et de lui ouvrir les yeux mais j'étais paralysée. Des remarques comme ça c'est presque tous les jours, dès que je sors, alors oui, je suis épuisée, et parano, et je ne réagis pas "bien", je ne me défends pas, je ne fais pas avancer la cause en discutant avec ces gens et en essayant de faire évoluer les mentalités. Je bloque et je m'enfuis et je me sens misérable. Yay.


Alors voilà. Le harcèlement de rue c'est pas forcément une chose à laquelle il est facile de réagir. Et même s'il y a des bonnes réactions, des réactions fortes, courageuse, on est pas forcément capable de les avoir. La rue pour certains c'est un espace d'agression. Pour des personnes trans, pour des homosexuels, pour des femmes, pour ceux qui sortent de la norme, pour ceux qui ont déjà été agressés peu importe la raison. Ce n'est pas un endroit où on se sent tranquille et rassuré.e et ça rend le fait de "bien" réagir à une agression encore plus compliquée.
Donc.
Il faut arrêter à un moment de dire "oh moi à ta place je ferais ça", "je comprends pas pourquoi tu réagis comme ça". Personne n'est à la place d'un autre. Si quelque chose te semble facile, ça peut être compliqué pour quelqu'un d'autre. Partons d'un exemple simple et idiot : je n'ai pas peur des araignées, j'adore ça, je trouve ça très mignon-poilu-choupi. Donc s'il y a une araignée dans la pièce et que je suis avec quelqu'un que ça dérange, je vais faire sortir l'araignée. Et ça ne me viendrait pas à l'esprit d'ordonner à la personne qui a peur de réagir autrement. Parce qu'elle réagit comme elle peut.



Alors voilà. La prochaine fois que tu t'apprêtes à charrier quelqu'un parce qu'il réagit pas comme toi tu l'aurais fait ou que vraiment faire ça c'est être faible, demande toi si toi tu ne l'es jamais. Faible, illogique, irrationnel. Terrifié.

6 commentaires:

  1. J'aime bien tes articles. Du coup je laisse ça là comme ça histoire de pas mettre juste un "j'aime" en passant.
    Je retiens l'exemple de l'araignée, il me semble que ça peut se réutiliser souvet et c'est plutôt clair ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci ^^ j'aime bien les tiens aussi d'ailleurs (même si je me contente souvent d'un "j'aime" en passant.).
      J'aime bien les exemples pour ça : ils sont clairs et directement compréhensibles ^^

      Supprimer
  2. J'aime bien ton article, c'est clair et l'exemple est parfait ! (j'ai moi-même une peur bleue des araignées !!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Haha merci ^^ (c'est tout à fait compréhensible : on nous apprend à en avoir peur et d'un point de vue évolutif valait mieux craindre ce genre de bestiole qu'avoir envie de leur faire des câlins ^^)

      Supprimer
  3. En vrai, dans la rue j'ai eu quelques dragueurs mais pas beaucoup de violence. En fait pas du tout. J'ai toujours foutu ça sur le coup de ma carrure. Et pourtant ça m’empêche pas de flipper quand je vois arriver un gros lourd ou d'apréhender les commentaires quand je me fais une teinture. Parce que ça ne m'est jamais arrivé, mais que ça peut tomber à tout moment et que je peux très bien tomber sur une petite enflure qui cherche à prouver sa virilité. Ou juste croiser un mec bourré. Ou un psycho.
    Donc, j'ai jamais eu d'"incident déplorable", mais je suis les conseils de ma maman et je fais gaffe quand je rentre seule.
    BTW je te fais un bisou chaud de la Martinique 'Tite Fée

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est vrai que toi t'es grande ça intimide plus (puis en plus tu fais de l’aïkido donc tu pourrais trop te défendre)(bon ceci dit les gens peuvent pas le savoir ça ^^). C'est vrai que personne est à l'abri de la petite enflure qui pour une raison x ou y décidera de t'emmerder (c'est con).
      Oooh un bisou de la Martinique. Tu es trop mignonne.

      Supprimer