lundi 24 octobre 2016

Je ne suis pas un monstre

Je viens de voir passer les dessins d'un gars sur mon Twitter. Pendant Inktober, il a représenté les maladies mentales sous la forme de monstres.

Et, non.
On regarde déjà les bipolaires, les dépressifs, les autistes, les schizophrènes, tout ça, comme des monstres. On a pas besoin de plus de clichés, de préjugés, de plus de représentations de nous en tant que monstres bizarres inhumains.
Nous ne sommes pas des monstres.
Nous ne sommes pas des maladies qu'on représente.

Y'a déjà tellement de stigmatisations, de clichés autour de tout ça. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'en rajouter une couche ?

Quel effet ça a de voir que pour un artiste toi et ta maladie vous êtes des monstres ?
Je sais pas.
Moi ça m'a fait mal au ventre.
Pour la petite anecdote, c'est dur de s'approprier un diagnostique de maladie. Parce qu'on te le pose sur ce qui a été toi jusque là et que ça t'écrase un peu et qu'il faut faire la vie à nouveau avec ces mots sur toi.
Quand on m'a dit que j'étais bipolaire c'était difficile. Je sais pas à quel point ça l'aurait été plus si on m'avait dit "tu es bipolaire" et qu'on m'avait montré un monstre à deux tête dégoulinant comme nouvelle représentation de moi, de cette identité que je portais désormais en moi.
Il s'avère en fait que je ne suis probablement pas bipolaire (un jour je reviendrais sur les diagnostiques pro VS auto-diagnostiques) mais autiste (youpi une nouvelle étiquette).
C'est un diagnostique qui a été très libérateur. C'est un mot que j'aime avoir près de moi parce qu'il m'aide à m'expliquer à moi-même et qu'il fait décroître ma culpabilité.
Je n'ai pas envie de voir ça comme un monstre qui me ruine et qui arrache tout.
Pourtant ça arrive.

A quel moment tu te dis que c'est bien de représenter toute une maladie et les humains derrières de cette façon ? Punaise.


Si je devais représenter certains troubles que j'ai je leur ferais des visages atroces. Des griffes qui se plantent pour la dépression et une bouche qui hurle sans fin. Mais c'est moi. C'est mon trouble. Je la représente comme ça parce que je la connais de l'intérieur.
ça me viendrait pas à l'idée de représenter le trouble de la personnalité borderline d'un autre humain que je connais. C'est le sien. Même si je sais ce que c'est de manière théorique.
Et d'ailleurs je pense vraiment qu'on a pas besoin de plus de représentation de l'horreur que c'est. En tout cas pas avec des visuels comme ça.

Mais c'est urgent qu'on associe troubles mentaux et humains derrière.
Y'a Anne Betton qui a fait ça merveilleusement bien en prenant en photo des personnes bipolaires, dépressives, etc...de manière totalement normale. Comme on aurait pris en photo n'importe qui. Personne qui hurle, qui tape sa tête contre les murs...Parce que nous ne sommes pas que ça.
Il y a ça.
Je me tape la tête contre les murs.
Je pleure.
Je crie.
Je me griffe.
Il y a le noir et l'horreur dans la maladie mentale, oui.
Mais c'est intime.
Si tu me suis avec un appareil photo tous les jours tu ne me verras pas faire ça. Voire tu me verras mener une vie vraiment très normale et tu seras déçu.
Et pourtant. C'est ça aussi la maladie. Le quotidien, le banal, l'humain.
Regarde ça avant de me dessiner en monstre.

21 commentaires:

  1. Ca fait longtemps que je ne "résume" plus les gens à leur maladie. Ok, j'avoue au debut je le faisait pas exprès (encore mieux!)du coup je dis: Mr Machin mon patient atteins de sclérose en place, Madame Truc ma patiente patiente de fibromyalgie.

    Du coup je le crie partout: il y a des gens qu'on cache derrière leur(s) maladie(s) et franchement, c'est vraiment pas ça de résumer les gens à leur pathologie.

    Ma meilleur amie est autiste, atteinte du syndrome d'Asperger pour être précise et c'est l'être le plus merveilleux que je connaisse. Je connais des gens malade et ce sont des gens formidables.

    C'est aussi intelligent que de résumer les gens à leurs style ou leurs musiques, c'est naze.

    donc des maladie représentée par des gens, c'est caca! VRAIMENT Caca!

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    1. C'est vrai que toi tu dois y être plutôt sensible vu ton métier (encore que c'est pas tou.te.s les aides-soignant.e.s qui font ce genre de choses). Et oui c'est pas une bonne chose de juste définir quelqu'un par sa maladie ou son handicap. C'est vraiment très déshumanisant je trouve, et puis ça aide pas les malades à avoir une bonne image d'eux-mêmes (enfin surtout pour les maladies mentales, c'est déjà compliqué parce que beaucoup de gens renient la souffrance de la maladie ("oh tu es dépressif bah bouge toi et ça passera tout seul"), ça aide pas à accepter que ça fait parti de toi, si en plus on te montre des images de "ta maladie est un truc monstrueux et inhumain" bah je sais pas ça me semble encore plus compliqué de l'accepter.)

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  2. (Je suis chiante mais, pour nuancer : c'est le style du type de manière générale de dessiner des monstres. Mais cet aspect m'avait aussi dérangé quand je l'ai vu. (Ceci dit y a des tas de gens qui trouvent ça bien parce que ça montre que c'est des maladies et souffrances réelles...))

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    1. (Mais très bien mais tu es pas obligé de prendre les maladies des gens qui sont déjà assez stigmatisés comme ça. Ou qui ont pas envie de se voir représenter en monstre ultra glauques dégueulasse. (Je sais j'ai vu ça mais. Je trouve que ça montre ça mais surtout le côté "malades mentaux vous êtes des freak"))

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    2. ((Bah, l'avantage, c'est que si on se fie aux partages/commentaires/etc, y a vraiment peu de gens qui l'ont interprété comme ça.))

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    3. ((J'ai envie de dire que c'est l'avis des concerné.e.s qui compte et que osef un peu des valides qui de toutes façon ne comprennent pas grand chose et ne sont pas blessés.)) ((Et j'ajouterai que si on veut montrer à quel point c'est difficile d'avoir un quotient autistique élevé, ce n'est pas ce genre de chose que je dessinerais.)) ((si tu veux savoir je dessinerais comment je vois les autres))

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    4. (Oui bah justement : si on se fie aux commentaires, y avait énormément de remerciement/admiration/whatever de la part de concernés)(de plus, le type a bien précisé qu'il a représenté 2-3 symptômes à chaque fois et que c'est pas censé être représentatif... Chacun dessinerait évidemment ça de manière différente)(mais maintenant je veux voir ton dessin)

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    5. (ça dépend où tu te promènes sur internet. Comme à chaque fois. J'ai vu beaucoup d'insurgés et de gens qui se rendaient compte du caractère problématique des dessins.)(Sans les précisions de l'artiste y'a pas moyen de le savoir et si on se contente de voir les dessins on ne se dit pas "oh c'est pas représentatifs".)

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  3. Je pense que par ce dessin il ne voulait pas désigner les malades comme monstres mais bien la maladie elle-même. Ceci dit on est quand même, dans une moindre mesure peut-être que si on attaquait les malades, mais tout de même, dans une stigmatisation de l'anormalité alors qu'il n'y a aucun mal à être hors norme. Je ne suis pas malade, mais des personnes me trouvent "bizarre" : je ne suis pas très sociable par exemple, parfois je réponds à côté. En fait je me soupçonne d'être une personne à raisonnement global mais il faudrait un psychologue pour le vérifier. Bref, je ne suis pas normale. Mais il n'y a aucun mal à être hors norme.
    En même temps je pense que cet artiste a pu aussi vouloir désigner, comme je te le disais, la maladie elle-même comme monstre, comme parasite du corps du malade et comme l'empêchant d'accéder à un monde tout à fait comme celui que les autres voient et dans lequel ils évoluent. Mais, ici encore, le problème de cette vision, même si elle ne stigmatise pas le malade (ce qui est bien) fait voir le malade comme une victime de sa maladie (ce qui peut-être vrai, mais est trop général : un schizophrène, s'il prend correctement ses médicaments, ne va plus avoir aucun symptômes) alors que la maladie ou l'anormalité en question peut lui être aussi bénéfique et ouvrir d'autres voies, d'autres perceptions (comme les personnes surdouées par exemple). Du coup, même en expliquant la vision de l'artiste comme attaquant la maladie et pas le malade, on se retrouve confronté à un problème de généralisation trop poussée. Mais la vision de la maladie comme monstre est quand même compréhensible, à mon sens, puisque certaines maladies mentales détruisent vraiment les personnes (du moins tant que ce n'est pas traité).
    Oh, je viens de voir que le dessin concerne l'autisme en plus... typiquement : les autistes ont des problèmes de sociabilité par exemple, mais leur anormalité peut aussi les amener à être très compétents. J'ai dans ma promo un camarade autiste (Asperger il me semble) qui est vraiment très intelligent et je citerais également Josef Schovanec, docteur en philosophie et chroniqueur dans Les Carnets du Monde d'Europe1. Cet exemple montre donc parfaitement le problème de la démarche, même si elle stigmatise la maladie et pas le malade. Il y a effectivement un problème ici : tout ce qui sort de la norme est forcément anormal alors qu'il est souvent plutôt hors norme (je ne sais pas si je me fais comprendre mais je pense que oui ^^').
    Pour rebondir sur ce que tu dis sur l'autoreprésentation : tu représenterais comme ça parce que tu le ressens comme ça, mais un autre autiste ne le ferait certainement pas de cette manière, alors que dans l'exemple de cet artiste, comme je disais, on est dans une généralisation, et pas une introspection (quoi que peut-être l'artiste est-il autiste ?).
    Je ne pense pas que cet artiste ait voulu représenter le malade mais la maladie. Cependant, même avec cette vision on se retrouve confronté à un problème...

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    1. J'ai trouvé un article, effectivement il a voulu représenter les maladies pour les faire connaître : http://www.demotivateur.fr/article/maladie-mentale-depression-autisme-dessin-croquis-artiste-shawn-coss-7619

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    2. Je comprends ton argumentation (oui désolé je m'incruste) et je suis même assez d'accord. J'aime beaucoup le fait que tu soulignes les possibilités que peut apporter le fait d'être neuroatypique. (dans la suite, quand je dirai neuroatypique, on pourra imaginer une extension (quoique prudente) à tout type de handicap).
      Toutefois, j'émets des réserves à ta remarque selon laquelle la vision de la maladie en tant que monstre est quand même compréhensible, parce qu'elle renvoie le "mauvais", "détestable", "horrible" dans la personne. Cela fait croire que c'est quelque chose d'intrinsèque à l'humain, la neuroatypie, alors que non. C'est entièrement dépendant du contexte, et une vision plus large permet de supposer que, peut-être, dans un autre contexte, plus tard, ce qui aujourd'hui est considéré comme atypique sera sélectionné par l'évolution.
      Je vais insister : la représentation de la maladie *doit* être extériorisée de la personne. Une personne neuroatypique peut déjà avoir du mal à s'aimer (c'est vrai aussi pour certains NT, mais de manière évidemment plus aiguë / fréquente chez les NA), et ce n'est pas en incrustant un monstre dans ce qu'une personne conçoit comme son identité la plus stable que cette sensation d'inadéquation à soi-même va s'améliorer.
      Tu mets le doigt aussi sur le fait que l'anormal (je déteste ce mot) est toujours immédiatement jugé négativement (comme en témoigne la connotation du mot) alors que "hors norme" peut vouloir dire "incroyable" voire "merveilleux". C'est une remarque intéressante que je retiens ^^
      Si l'artiste est autiste, alors j'aimerais beaucoup discuter avec lui. Malheureusement, j'y crois peu, et j'imagine qu'on a surtout affaire à un néophyte qui n'y connaît pas grand-chose u_u (mais j'avoue mon biais sur ce point).
      Et si c'est pour faire connaître les maladies, chouette, mais ces exemples sont hyper-connus. Et puis c'est toujours pareil. Va voir des concerné.e.s et demande-leur comment ils le vivent, et construis le dessin avec eux. Ça, c'est une démarche saine. Bref.

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    3. Pas besoin de t'excuser de t'incruster, un commentaire est fait pour être lu et plus on est de fous plus on rit :)

      Effectivement, je suis d'accord, même si on vise la maladie par le monstre et pas la personne, ça reste stigmatisant, ça reste un "tu n'es pas tout à fait comme nous, tu n'es pas tout à fait une personne" et ça peut être tout à fait dégradant. Comme un simple "tu n'es pas normale" dit sur un ton de reproche peut être dégradant. Mais tout de même, la vision de la maladie comme monstre (même si je ne suis pas d'accord avec elle puisque la maladie n'enlève pas l'humanité (et d'ailleurs le terme de monstre à la base est appliqué aux personnes avec des physiques différents, comme des membres en moins et, à la base, n'est pas si péjoratif qu'aujourd'hui)) est compréhensible dans le sens où tout ce qui est différent peut paraître monstrueux. En fait, le monstre, c'est la différence mais c'est aussi le mystère. Le monstre sous le lit des enfants, que l'on ne voit jamais, dont on ne sait pas vraiment ce que c'est, c'est mystérieux et on l'appelle monstre. C'est en ce sens que c'est compréhensible. Mais par rapport aux problèmes d'image de soi que ça cause je ne suis pas d'accord avec cette vision : un anormalité/atypicité peut être positive.
      J'apprécie aussi peu le terme "anormal" parce qu'il est péjoratif, et que je préfère dire "hors norme" qui est mélioratif. C'est pour ça que j'ai dit que tout ce qui n'est pas normal n'est pas forcément anormal mais hors norme. Mais je ne voyais pas par quoi remplacer "l'anormal" (je l'ai fait ici avec atypicité).
      Effectivement, comme il a dessiné plusieurs maladies, je ne pense pas qu'il soit autiste. Dans l'article il ne disait pas s'il travaillait avec des personnes malades, mais c'est possible, le mieux serait de lui demander. Effectivement, vouloir faire connaître les maladies est bien... mais est-ce que le risque ce n'est pas que, quand on va voir une personne malade, on pensera à ce dessin ?

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    4. Bon vous avez beaucoup parlé les gens (c'est bien, vous argumentez bien, vous êtes des braves vous).
      Donc je reviendrais sur quelques points :
      -On ne voit pas le malade comme un monstre mais la maladie (1)
      -Il y a du positif dans le fait d'être anormal (2) (ou peut-être que je ferais juste un article à part sur ça un jour on verra)

      1) Voir la maladie comme un monstre c'est pareil, c'est déjà souvent ressenti comme une division de soi d'avoir une maladie mentale (comme les parents qui disent "j'aime mon enfant mais pas son autisme" ou "j'aurais préféré que tu sois normal.e la vie aurait été plus simple"). En vrai je suis pas sûre qu'il y a une séparation si nette entre le malade et la maladie, c'est en nous et on vit avec, y'a pas que la surface de "je suis une personne normale", y'a aussi ce que le monsieur a décidé de représenter sous forme de monstre. Et avec des représentations de ce genre on accentue le côté les malades mentaux sont des horreurs ils doivent surtout se cacher parce qu'ils sont horribles, et c'est vraiment super dangereux parce que ça rend encore plus difficile le fait de demander de l'aide, des soins, un accompagnement, etc.

      2) Considérer que parfois être anormal c'est "bien" (je dis anormal parce que c'est comme ça qu'on me voit dans la société, et je vais revendiquer d'être anormal jusqu'à ce que ça devienne un mot comme un autre), c'est aussi un peu limite : oui il y a du positif dans la douance (encore que, y'a un imaginaire très faux autour de la douance), l'autisme asperger (qu'on dit "de haut niveau"), la bipolarité parce que ça donne des artistes, etc. Mais ça donne tout de suite un esprit de classification entre les malades : il y a les bons malades, ceux qui ont une maladie mais qui font quand même des trucs biens, et les mauvais malades, ceux qui se retrouvent incapables de s'intégrer au monde et qui n'ont pas de "contrepartie positive" à leur trouble.

      Et puis en troisième argument un peu facile : c'est quand même des représentations ultra simpliste et cliché et peut-être que pour sensibiliser les gens aux maladies mentales ce serait mieux d'aller chercher la parole de vraie concerné et de leur offrir de la visibilité plutôt que de faire ce genre de dessin moyennement originaux.

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    5. https://twitter.com/FlamingoPoseido/status/790978578842263552

      Sinon y'a ce thread sur Twitter qui est pas mal. (voire même très bien)

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    6. Ta remarque sur la non division totale malade/maladie est très juste. Mais tu le dis toi-même : les malades ont aussi une vie normale, donc la division existe quand même, en partie du moins, mais faire une scission totale est en effet impropre :)

      Eh bien, peut-être, certainement même, que je me suis mal exprimée mais ce n'est pas comme ça que je vois les choses. J'ai pris les exemples que j'ai pris parce que ce sont les exemples les plus évidents qui me sont venus et qui pourraient être peut-être les plus représentatifs. Loin de moi l'idée de classifier les maladies. Je pense que les personnes, malades ou pas, se construisent aussi en fonction de ce qu'elles sont, de ce qu'elles affrontent... la maladie ne conditionne pas tout, sinon tous les malades d'une même maladie aurait le même caractère et la même vision de toutes choses. Un schizophrène peut très bien être un artiste et peut-être même que son type de schizophrénie lui apporte un autre regard sur le monde. Là encore je prends ce trouble-là, mais je pourrais prendre n'importe lequel :)

      Après, ce n'était pas dit dans l'article, peut-être qu'il est allé parler à des personnes. Mais il est certain que faire "connaître les maladies" en les montrant ainsi pose problème parce que comme tu dis les malades peuvent avoir une vie normale d'une part, et d'autre part le risque c'est aussi que les non-malades, quand ils vont rencontrer des malades, aient ces images dans la tête... je pense que représenter la maladie de cette manière (je n'ai pas suffisamment vu d'image de maladie pour dire si c'est original ou pas) créé un regard erroné sur ce que sont ces maladies, parce que ce n'est pas que ça (et on en revient aux côtés positifs (côtés positifs qu'il y a en toute chose)). Maintenant je défendrais quand même l'artiste en disant que le but était louable, mais la manière de le faire n'était pas forcément adéquate... surtout pour un artiste : il y a en art plein de choses à faire autour des maladies !

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    7. (j'argumente beaucoup "contre" toi mais je suis pas contre toi en vrai, juste je trouve la discussion super intéressante.)

      Non, la division entre "maladie / malade" dans le cadre d'une maladie mentale n'existe pas : on vit tous les jours avec, tout le temps, y'a jamais de moment où on est pas malade et même la vie "normale" c'est la vie quotidienne d'une personne malade. Juste c'est pas obligé d'être dans le pathos extrême dès qu'on parle d'une maladie. Mais faut pas non plus occulter la maladie sous prétexte que "on a l'air normal" (je ne dis pas que tu le fais, hein, juste ça me semble important à dire. Et peut-être que je le dis mal d'ailleurs).

      Mais ce n'est pas seulement toi qui fais cette classification, elle existe déjà (et peut-être d'ailleurs que tu ne la fait pas du tout et c'est tant mieux ^^) : il y a vraiment une image du bon malade VS le mauvais malade.

      (Etant donné que j'ai un intérêt restreint sur les maladies mentales, j'en ai vu pas mal, donc, je peux te le dire : ce n'est pas très original ^^). Et honnêtement j'ai vraiment, vraiment du mal à voir quoi que ce soit de positif dans ces dessins (d'autant plus que beaucoup sont assez éloignés du vécu des malades, genre celui sur la schizophrénie, comment ça peut aider à comprendre, on voit juste un homme prostré et des croix, en quoi ça apprend quoi que ce soit sur la schizophrénie ?). Donc au mieux c'était extrêmement maladroit de sa part, au pire son intention c'était juste de faire de l'art glauque sur un sujet rempli de bon pathos des familles histoire de faire un peu de tapage médiatique. Mais je vois peut-être le mal partout.

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    8. Haha, ne t'inquiète pas, je ne prends pas ce genre de discussions comme des affrontements donc ça ne me dérange pas, je trouve ça aussi très intéressant :)

      Oh oui d'accord, je vois ce que tu veux dire :)

      Non, je ne la fais pas, en tout cas j'essaye de ne pas l'écrire parce que ce n'est pas ce que je pense !

      Je pense qu'il a été maladroit. Parce que rien ne l'assurait d'être repris dans des média, en fait. Mais c'est clair que, si le but était louable, c'est très mal réalisé et ça fait plus de mal que de bien.

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    9. Oh tant mieux =) j'ai toujours peur que les gens prennent mal ce que je dis ^^'

      C'est vrai que si ça avait pas été relayé par les médias ça aurait pas été si grave que ça en fait, mais là avec autant de visibilité, bon. C'est très dommage.

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    10. J'ai beaucoup de nouvelles pierres à apporter à l'édifice de cette discussion.

      (Note : j'ai failli parler à nous mais finalement je mets "je", on se contentera d'étendre le propos chaque fois que c'est pertinent)

      1) Je ne critique pas tant l'auteur de ces dessins que le système psychophobe qui guide ses actions et qu'il reproduit. Ma colère, si elle a pu se faire sentir, procède d'une souffrance régulière causée par ce même système psychophobe, et en ce sens, s'explique. Aussi, c'est une analyse de celle-ci qui a permis de déterminer qu'au fond, j'en veux moins à cette personne spécifiquement qu'au système psychophobe (que je viens de nommer trois fois en un paragraphe c'est beaucoup trop dites donc).

      2) J'en veux tout de même à l'individu, d'un point de vue cette fois-ci strictement interpersonnel (de lui à moi et réciproquement) pour ne pas s'être posé les questions pertinentes (je le reconnais : peut-être ne le pouvait-il pas), de ne pas avoir pris soin de parler *longuement* avec *plusieurs* représentants de chaque état psychologique considéré comme anormal. De même, je lui en veux d'avoir pensé que c'était une bonne idée de faire cela pour Inktober. Parce que "oui je dessine un dessin par jour" c'est la même chose que "oui je ne vais pas prendre le temps d'y réfléchir suffisamment". Donc ça marche si on a longuement réfléchi en amont. C'est tout. (Ici, on sentira particulièrement la tension individu-structure que je tente de faire ressortir par les nuances de mon propos)

      3) Une caractéristique fondamentalement dérangeante de ce travail est l'essentialisation que commettent ces œuvres. J'entends par là qu'elles réduisent implicitement leur objet (sujet ??) à une seule caractéristique, à savoir le "trouble mental". Une réaction naturelle est donc de se distancier de cette représentation trop étroite qui tend à faire oublier la grande diversité de *personnes* en *situation* de psychologie atypique.
      4) Certain.e.s concerné.e.s en revanche semblent se réjouir de ce que le travail diffuse et vulgarise le sujet des situations psychologiques atypiques. Je pense qu'étant donné les essentialisations successives (en plus du point 3), toutes les situations sont représentées de manière similaire, les autres humains ne sont pas représentés, le titrage de chaque œuvre prête à confusion, etc.), les maladresses (titres, style graphique, utilisation du pathos, hors-sujets (penser à la schizophrénie), etc.), les généralisations (mutisme chez les personnes du trouble autistique, etc.), etc.
      Ce que je dis ici c'est que je comprends le sentiment de ces personnes mais que je ne le partage pas pour les raisons sus-citées. (je précise à chaque fois quel est le but clair de mon argumentation afin qu'on puisse le discerner sans ambiguïté)

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    11. 5) Le point "interprétation" me semble important. Merci de ne pas utiliser l'argument "une œuvre s'interprète" pour décrédibiliser l'effet qu'elle peut avoir sur les personnes blessées. Comme le fait remarquer Betta (communication privée), le niveau un d'interprétation, c'est un monstre anthropomorphe qui souffre accompagné de la mention d'une situation psychologique atypique. On est donc amené à faire le lien, comme un lien de titre à l'image qu'il décrit. Deuxième niveau d'interprétation (attention on fait de l'interprétation sans contexte là, pour modéliser une rencontre hasardeuse avec l’œuvre au détour d'un clic), là, on retrouve d'une part la composante émotionnelle de la réception d'une telle œuvre, puis un certain nombre de critiques dont la plupart a déjà été évoquée. Enfin, en voyant l'ensemble des dessins, on peut même s'interroger (hors contexte) sur la visée de ce projet et se demander s'il ne vise pas simplement à stigmatiser les personnes en situation psychologique atypique. Cette expérience de pensée permet de mettre en lumière les problèmes que pose l'interprétation de ces œuvres et les limites au rôle de l'intention de l'auteur dans celle-ci.

      6) La question de savoir si l’œuvre "n'aurait pas dû exister" ou le contraire soulève une question de liberté d'expression. Je souligne délibérément ce point parce qu'il a fait suite à des questionnements légitimes. En fait, l'argumentation qui précède démontre que je ne souhaite pas que cette œuvre n'ait pas existé, en tout cas pas spécifiquement (et encore pour être honnête, ça me fatigue tout ça, mais je reconnais que ça n'est peut-être pas un argument convaincant). Ce que je condamne ici, c'est le système psychophobe qui autorise et même facilite de telles agressions (car je les ressens comme telles). Je sais que l'individu, par un certain jeu de causes et de conséquences, ne pouvait pas faire autrement. Je ne l'excuse pas : je comprends, mais je condamne. En revanche, je ne chercherai pas à censurer.
      Je veux aussi faire un parallèle avec Charlie Hebdo parce qu'il m'a semblé à un point de la réflexion qu'accepter un dessin satirique de CH mais rejeter les dessins que je critique ici n'était pas cohérent puisque manifestement des gens se sont sentis agressés dans les deux exemples. Je laisserai de côté deux questions bien trop épineuses et surtout pas pertinentes ici, à savoir l'humour (qui tout de même différence CH de ces dessins, je vais y revenir), et la réaction disproportionnée que nous connaissons. Si cela je ne l'analyse pas, je dis en revanche que l'humour distingue CH de ces dessins en ce que ces derniers n'avaient pas de moyen d'être pris autrement que ce qu'ils représentent. Ce qui constitue une première différence pertinente. Ensuite, j'aimerais souligner le fait que dans ces deux cas, la liberté d'expression ne me semble pas un concept pertinent pour penser le problème, bien que dans les deux cas, il soit abordé. On s'intéresse encore une fois aux causes (dont les structures, les motivations et les déterminations de l'auteur), aux conséquences de l’œuvre, et enfin à l'accueil qu'elles ont reçu. Il me semble que si nous n'arrivons pas à une solution univoque avec ce nouveau paradigme, nous sommes au moins capable de raffiner la conclusion grossière de la liberté d'expression qui se résume assez bien en : "ils avaient le droit absolu de publier ce dessin sans aucune nuance parce que la liberté d'expression est une liberté fondamentale et absolue" (oui j'ai forcé le trait).

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    12. 7) Dernier argument et le moins négligeable : Burton. Parce que Burton, c'est l'exemple-type du traitement sain et apaisant de la situation d'anormalité. Dans l'esthétique des films, comme dans leur construction et leur réalisation, tout est fait pour porter sur l'anormalité un regard bienveillant, empathique et renseigné. Trois qualités qui, si elles étaient présentes chez l'auteur, manquaient à mon avis d'intensité.
      Et je suis d'autant plus grognon que Burton est un exemple très célèbre et franchement pas marginal de traitement de l'anormalité, auquel on aurait pu penser avec un peu de réflexion. (Ce qui, je le souligne encore, est incompatible avec les contraintes temporelles courtes que s'est imposées l'artiste, contraintes qui rappelons-le s'inscrivent dans un système qui incite à produire beaucoup et régulièrement même quand il s'agit d'art, ce qui ne manque pas de tuer ou mutiler la réflexion qui l'accompagne)

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